L'imitation de Jésus Christ

(Extrait: Livre I -Chapitre II)

Tout homme, naturellement, désire acquérir la science; mais qu'apporte la science, sans la crain-e de Dieu? Un humble homme de la campagne qui sert Dieu, vaut certainement mieux qu'un philosophe orgueilleux qui se néglige lui-même pour observer le cours des astres.

Celui qui se connaît bien s'estime pour peu de choses et les compliments des humains ont peu d'attraits. Quand je connaîtrais tout ce qui est dans le monde, si je n'ai point la charité, quelle aide serait-ce pour moi devant Dieu qui me jugera d'après mes oeuvres? Laisse de côté ce désir excessif de savoir, car il s'y trouve beaucoup de dissipation et d'illusion.

La multitude des paroles ne rassasie point l'âme, mais une vie bonne rafraîchit le coeur et une cons-cience pure donne une grande confiance pour aller à Dieu.

Pourquoi vouloir te préférer à quelqu'un quand il se trou-ve tant d'hommes plus formés que toi et plus experts dans la loi? 
Veux-tu apprendre et savoir utilement des choses relevées, aime à être ignoré et compté pour rien.

Ne faire aucun cas de soi et avoir toujours pour les autres une profonde estime, c'est grande sagesse et grande perfection.

Nous sommes tous fragiles; mais dis-toi que personne ne l'est plus que toi.
 

Refléxions

(par Sr Francis Joseph)

Comment l'utiliser? Qu'y chercher? Comment lire ce trésor spirituel et en tirer profit?

Une première constatation éclairante : l'éditeur J. MARTIN a repéré dans le texte de Thomas des phrases ou membres de phrases extraits des œuvres de Ruusbroec. Nous avions déjà signalé des emprunts faits à st Augustin, à Cassien à côté des citations de l'Écriture. Et voilà le grand maître spirituel du XIVe s. venant tout spontanément sous la plume de Thomas.

Trait utile pour notre lecture; d'abord parce que Ruusbroec est membre de l'Ordre canonial auquel sa fondation de Groenendael et des autres monastères va donner un nouvel élan. Ensuite, parce que ces emprunts signalent une parenté spirituelle évidente entre les deux maîtres. On le sait, Ruusbroec dans chacun de ses traités frappe par l'équilibre doctrinal qu'on y trouve. Il montre des chemins pour la vie spirituelle, solidement structurée par le Credo et la vie sacramentelle de l'Église. Lui et ses amis contribuent au XIVe siècle au renouvellement de la vie chrétienne en sa fraîcheur primitive par leur vie consacrée empreinte de dévotion en toute simplicité et leur enracinement dans l'Église. Grand mystique, Ruusbroec avait aussi le don de communiquer son expérience de Dieu en une langue accessible, pour y conduire autrui. Il vivait intensément l'intuition augustinienne de l'alternance du retour à intérieur / et de la sortie vers l'extérieur, ainsi que la manière d'irriguer le service de charité par l'union au Seigneur vécue dans la prière; pour lui, aucun cloisonnement ne brisait la dynamique de la grâce.